- ACADÉMIE D’ARCHITECTURE
- ACADÉMIE D’ARCHITECTUREACADÉMIE D’ARCHITECTURECréée en 1671 par Colbert, l’Académie d’architecture sera supprimée en 1793 par la Convention. Dans l’intervalle, son histoire se confond dans une large mesure avec celle de l’architecture française. Comptant parmi ses membres certains des plus grands architectes des règnes de Louis XIV, Louis XV et Louis XVI — de Jules Hardouin-Mansart et Robert de Cotte à Jacques-Ange Gabriel, Jacques-Germain Soufflot, Étienne Louis Boullée et Claude Nicolas Ledoux —, elle joue un rôle déterminant dans la genèse de la figure de l’architecte libéral moderne. Ce rôle n’avait rien d’évident au départ. Émanation directe de la surintendance des Bâtiments, l’Académie d’architecture avait été en effet conçue par Colbert comme l’un des rouages de la politique architecturale de la monarchie absolue. C’est dans ce cadre qu’on lui demandait de préciser les règles de la bonne architecture, de l’usage des ordres aux questions de toisé, d’enseigner ces règles au moyen de cours publics, tout en se prononçant en parallèle sur des questions techniques. Son action devait ainsi s’inscrire dans une perspective de rationalisation de l’art de bâtir qu’allaient reprendre pour partie à leur compte les corps d’ingénieurs de l’État créés par le XVIIIe siècle.Au cours des premières décennies de son existence, l’Académie se conformait docilement aux vues de son fondateur. Dans son monumental Cours d’architecture publié de 1675 à 1683, François Blondel, le premier professeur de la compagnie, se faisait l’apôtre d’un classicisme épuré reposant sur la maîtrise des proportions. Ses successeurs Philippe et Gabriel-Philippe de La Hire approfondissaient par la suite les rapports unissant l’architecture aux sciences mathématiques, tandis qu’un Antoine Desgodets mettait un peu plus tard l’accent sur les aspects juridiques de l’art de bâtir en se livrant à un commentaire approfondi des articles de la Coutume de Paris concernant le bâtiment. La fonction d’expertise de l’Académie était par ailleurs confirmée par les enquêtes qu’on lui demandait sur la qualité des pierres des églises ou encore sur les meilleurs procédés de construction des ponts.Au cours de la première moitié du XVIIIe siècle, l’Académie d’architecture s’émancipe progressivement du cadre administratif un peu trop étroit que lui avait assigné Colbert. Longtemps rattachée à la surintendance des Bâtiments, elle se trouve placée sous la protection directe du roi aux termes du statut de 1717 qui fixe à vingt-quatre le nombre de ses membres. Ces derniers sont répartis en deux classes comme dans les autres académies. Le statut de 1717 précise également le fonctionnement pédagogique de l’institution. Pour pouvoir prétendre à la qualité d’élève de l’Académie, il faut être désormais patronné par un académicien, travailler dans son atelier tout en suivant les leçons hebdomadaires du professeur de la compagnie. Des prix d’émulation font leur apparition au même moment; ils seront couronnés par un grand prix donnant accès à l’Académie de France à Rome à partir de 1720.Cet ensemble de mesures renforce le sentiment qu’ont les académiciens d’appartenir à une élite distincte du monde des architectes-entrepreneurs; le caractère quelque peu corporatiste de l’institution sera d’ailleurs l’une des causes de sa suppression sous la Révolution. Plus que de l’exercice de prérogatives administratives précises, la légitimité de l’Académie d’architecture provient de plus en plus de la qualité de ses membres et de sa fonction de pépinière de jeunes talents. Avant de devenir à leur tour académiciens, Boullée et Ledoux seront par exemple élèves de l’Académie.Une telle évolution se trouve accélérée par les incertitudes doctrinales grandissantes qui caractérisent la culture architecturale des Lumières. L’évolution du goût, l’émergence de nouvelles valeurs comme l’utilité publique, les voyages qui permettent de découvrir la diversité des dispositifs architectoniques en usage de par le monde, autant de facteurs qui conduisent à remettre en cause le bien-fondé des principes vitruviens sur lesquels l’Académie avait assis ses jugements. Malgré la tentative de restauration de l’idéal classique qui est menée par un Jacques-François Blondel, professeur de 1762 à 1774, l’Académie ne peut plus prétendre édicter les principes de la bonne architecture comme à l’époque de Colbert. Elle est d’ailleurs divisée ainsi qu’en témoignent les frictions qui se font jour entre Blondel et Ledoux vers 1770. Dans les dernières années de l’Ancien Régime, sa fonction d’expertise technique décline enfin au profit de la toute-puissante Académie des sciences. Malgré le prestige dont jouissent certains de ses membres, c’est une institution déclinante que vient frapper la Convention au nom de la lutte contre les privilèges de l’Ancien Régime. L’école d’architecture qui lui était associée sera toutefois maintenue sous la conduite de son dernier professeur, David Leroy. Par son intermédiaire, on observe une nette continuité entre l’enseignement académique et celui que dispensera l’École des beaux-arts. Plus généralement, en se démarquant de la figure de l’architecte-entrepreneur longtemps prédominante, l’Académie d’architecture ouvre la voie à l’architecte libéral qui va progressivement s’imposer au cours du XIXe siècle comme le nouveau modèle canonique d’exercice de la profession.
Encyclopédie Universelle. 2012.